mercredi 2 septembre 2009

L'Alsace se souvient et rend hommage à Paul Mathéry

La commune d’Avon néglige ses obligations, et se désintéresse de son histoire.

Comme suite à l'article précédent sur la libération d'Avon et le tribut humain payé par la ville, il nous faut revenir sur l'histoire et la mémoire d'un homme : Paul Mathéry.

Rappelons que Paul Mathéry, secrétaire de mairie, faisait de "vrais faux papiers" pour tous ceux qui en avaient besoin. Il fut arrêté comme résistant dans la mairie-école qui correspond à l'actuelle école d'Avon-centre, et déporté à Mauthausen puis à Melk où il est mort. Il avait 37 ans. Il laissait une orpheline encore enfant, Marie-Thérèse.

Marie-Thérèse Mathéry-Natta a obtenu que son père, pour l'aide apportée aux juifs pendant la guerre, soit reconnu à titre posthume, "Juste parmi les Nations".

Depuis plusieurs années, elle vient régulièrement lors de la journée du souvenir des déportés, le dernier dimanche d'avril, aux cérémonies d'Avon et dépose sur la tombe du Père Jacques, au cimetière des Carmes, un hortensia. Dans le compte rendu de cette cérémonie en avril dernier dans le journal La République, on pouvait lire au milieu de nombre d'erreurs et inexactitudes, ce qui suit concernant les participants : "[…] Mme CHALUT-NATAL, descendante de M. Etienne CHALUT-NATAL, ancien adjoint au Maire mort en déportation. Ce fut d’ailleurs elle qui déposa la gerbe de fleurs sur la tombe du Père Jacques." Madame Marie-Thérèse Mathéry-Natta écrit alors au maire d'Avon. Nous publions ci-dessous de larges extraits de ce courrier qui n'a reçu aucune réponse à ce jour.

Monsieur le Maire,

J'ai été particulièrement surprise et consternée en lisant l'article de La République du 4 mai 2009 sur la Journée du souvenir des déportés conjointement organisée par les villes d'Avon et de Fontainebleau.

En effet, cette commémoration importante n'a fait l'objet que de quelques lignes essentiellement consacrées à l'énumération des notabilités locales, liste qui de surcroît n'est pas dépourvue de certaines erreurs, comme celle qui mentionne la présence de Mme Chalut-Natal dont, depuis des années, on n'a jamais vu aucun membre de la famille en cette occasion.

[...] M. Yoann Vallier [...] a répondu que sa direction n'envoie plus de journaliste couvrir les cérémonies patriotiques. Pour en informer ses lecteurs, il s'est contenté ici d'un texte et d'une photo, transmis par la mairie d'Avon.

Vous n'êtes certes pas responsable des manquements de la politique éditoriale de La République[...]. En revanche, ce que je déplore, c'est que le désintérêt du journal soit le reflet du vôtre. Cet article indigent est la reprise du communiqué de la mairie, rédigé à la va-vite, sans la moindre réflexion sur la signification de cette commémoration.

Tout cela est grave. Les gouvernements successifs insistent tous, et avec raison, sur le devoir de mémoire. [...] Ce qui importait, c'était moins les noms des représentants locaux que ceux des hommes morts dans les camps. C'est leur mémoire qu'il fallait célébrer. Cette cérémonie [...] est une occasion de rappeler qu'en sacrifiant leur vie, les déportés ont donné à la ville d'Avon une citation avec attribution de la Croix de Guerre (avec étoile d'argent), et à tous ses habitants une très belle leçon de courage.

Fort heureusement, toutes les municipalités ne sont pas aussi oublieuses que la vôtre. Le 7 septembre 2009, en Alsace, la Communauté de Communes du Val de Villé consacre trois journées à la mémoire de mon père Paul Mathéry qui est originaire de cette région. J'en suis fière et heureuse. Mais cette belle initiative n'efface pas pour moi la négligence dont vous avez fait preuve à l'égard de mon père et de tous ses compagnons d'infortune. J'ose espérer que lors des prochaines cérémonies, ils seront les uns et les autres traités avec la considération qu'une municipalité doit à ceux qui l'ont si admirablement honorée.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, mes salutations attristées.
Marie-Thérèse Mathéry-Natta


A Villé, bourgade du Bas-Rhin, où naquit Paul Mathéry, il y a maintenant 102 ans, du 5 au 7 septembre prochain, une série de manifestations aura lieu dont le point d'orgue sera le dimanche 6 la pose d'une plaque sur le mur extérieur de la synagogue, suivie d'une réception à la mairie.
A quand un hommage à Avon, avec l'attribution du nom de Paul Mathéry à l'actuelle école d'Avon-centre, pour que l'histoire locale, quand elle en vaut la peine, serve d'exemple aux enfants d'aujourd'hui ?