mardi 12 octobre 2010

Réforme des retraites: et si toutes les pistes n'avaient pas été explorées


Lycée Uruguay-France : des lycéens en grève illimitée
Avon

De notre envoyé spécial

Depuis bientôt dix jours les 58 élèves de terminale L de M. Planchet, professeur d’histoire, géographie et civisme, sont en grève illimitée et refusent d’assister à ses cours.

« Les cours de M. Planchet sont très difficiles à suivre et nous craignons pour le bac qui approche » dit Xavier, un des délégués de classe. Sa camarade Claudie ajoute : « nous avons du mal à comprendre ses cours, son élocution est chuintante et quasiment inaudible ». Un autre élève Luc, renchérit : « ouais, en plus il n’arrive pas à écrire au tableau, et parfois il quitte la classe au milieu d’un cours, comme ça, sans explications… »

Le chef d’établissement, (on dit désormais le Proviseur Directeur Général) soutient le professeur ; « nous sommes conscients des difficultés rencontrées par les élèves de M. Planchet, mais ce cas de figure est courant avec les enseignants âgés et nous devons faire avec. Les élèves doivent être plus tolérants et accepter les professeurs tels qu’ils sont. De toutes façons il n’y en a pas d’autres…»

Madame Doucet, élue du SGFSEN-UNPPI et représentante (sans droit de vote) des professeurs au Conseil des Actionnaires du Lycée défend elle aussi M. Planchet. « Il est désormais essentiel d’aménager les conditions de travail des professeurs seniors. Nous tenons, dit-elle, que le CA accepte la sieste d’après le déjeuner. Il s’agirait d’officialiser une pratique courante car tous les collègues de son âge (entre nous, nous les appelons la « génération Sarkozy ») dorment l’après-midi devant leurs élèves, ce qui engendre des perturbations. De même nous espérons que le Rectorat, (on doit dire maintenant la Société Rectorale à Responsabilité Limitée™), organisera le ramassage à domicile de ces professeurs, car depuis sa privatisation, la MAIF® refuse d’assurer les conducteurs de plus de 65 ans. Enfin il est urgent de réserver les salles du rez-de-chaussée à nos anciens car nombre d’entre eux ont beaucoup de mal à monter les escaliers à cause de leur arthrite ».

M. Planchet est dans sa salle de classe, assis à son bureau devant soixante chaises vides. C’est un petit homme de 75 ans, il enseigne au Lycée Uruguay-France depuis 1992. M. Planchet répond difficilement à nos questions. « J’ai beaucoup de mal à vous comprendre, nous avoue-t-il, mon audition n’est plus ce qu’elle était et depuis la privatisation de la MGEN®, les appareils auditifs, comme les lunettes, ne sont plus remboursés. » Aux plaintes de ses élèves il rétorque : « il est vrai que mon élocution s’est modifiée avec le temps. Les années passent et les dents tombent. C’est d’autant plus gênant que les prothèses dentaires sont hors de prix de nos jours ! » Et sur le problème du tableau et des sorties précipitées : « le tableau, c’est à cause de l’arthrose, je ne peux plus écrire de la main droite. Quant à mes sorties, elles sont dues à ma prostate, je dois impérativement aller aux toilettes toutes les 30 minutes. Je sais que les élèves sont perturbés mais mettez-vous à ma place… »

Avant de s’assoupir M. Planchet nous confie qu’il comprend les revendications de ses élèves, « si cela ne tenait qu’à moi je serais parti à la retraite depuis longtemps déjà… » La sonnerie retentit, il ne l’entend pas.

Une file de personnes âgées attend devant la porte du réfectoire géré par la firme « SchoolFood® & C° ». « Ce sont les anciens du Lycée, indique le gardien en uniforme bleu marine appartenant à la société « SchoolGuard® & C°», des professeurs, des administratifs, des personnels de service, parfois il y a même un ancien proviseur. Ils attendent qu’on leur distribue les restes de la cantine. Vous savez, les retraités doivent vivre avec si peu… »